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Vie et oeuvre de l’une des plus grandes voix du 20e siècle par Pirouz Djoharian

Ghamar Moluk Vaziri (I)

Repères biographiques : l’environnement familial, la formation musicale et la mort de Ghamar.

vendredi 2 janvier 2009, par sarang

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1.1 Enfance et environnement familial

Qamar Moluk Vaziri naquit dans une famille religieuse en 1282 H.S. (1904 A.D) à Takestan, dans le province de Qazvin. Elle arrive au monde orpheline de père. Son père décède en effet quatre mois avant sa naissance. Ce fut ensuite rapidement le tour de sa mère, puisqu’elle perd aussi sa mère lorsqu’elle avait à peine dix-huit mois. Ainsi ce fut sa grand-mère Mollah Kheyr-el-Nesa (connue également sous le titre de Eftekhar-al-Zakerin) qui prit la responsabilité d’élever et d’éduquer Qamar. Cette grand-mère était une pleureuse qui officiait dans les rozeh-khani, cérémonies de deuil destinées aux femmes [1]

L’enfant Qamar accompagnait sa grand-mère dans ces cérémonies. Elle se déplaçait alors dans l’assemblée et, lorsque l’occasion se présentait, elle reprenait seule ou à l’unisson, ce que chantait sa grand-mère. Ainsi, Qamar, en accompagnant sa grand-mère dans les cérémonies de deuil, découvrit progressivement les rudiments du chant et selon son propre aveu, le fait de chanter dans ces assemblées lui donna une certaine assurance et le courage pour chanter par la suite sur scène.

Leur maison était située dans le quartier Sangelaj [2] à Téhéran. Sa grand-mère souffrait d’une paralysie partielle et de maux de jambe. Pour sa guérison elle fit un voeu et partit et faire un pélerinage à Kerbala [3]. Qamar fut confié à sa tante. Sa tante avait une fille qui épousa par la suite Mojed-ol-Sanaye’. Ce dernier était un mélomane et un homme cultivé dont le demeure était le lieu de rencontre de grands musiciens comme Darviche Khan, Rokneddin Khan et Hadji Khan. La présence de Qamar dans ces réceptions fréquentées par des grands musiciens et chanteurs contribua à sensibiliser son oreille à la musique savante. Son amour pour la musique commença alors à germer.

1.2 Éducation musicale

Lorsque Qamar vivait chez sa tante, elle eu l’occasion de chanter en étant accompagnée par un instrument de musique. Elle découvrit ainsi la différence entre les deux situations : chanter a cappella et chanter avec un instrument. Au retour de sa grand-mère, Qamar lui demanda de chercher un professeur de chant. Il semblerait que, pendant quelques temps, un professeur très agé venait chez la grand-mère pour enseigner le chant à Qamar .

Ce premier professeur, dont l’identité reste encore inconnue, mourut après quelques temps. Qamar et sa grand-mère se mirent à la recherche d’un autre professeur. Pendant ce temps ce fut le tour de la grand-mère de mourir. Certains racontent alors que Qamar rencontra Ostad Bahreyni qui, avec un sentiment paternel, se chargea de l’enseignement de Qamar. Qamar s’installa alors à Téhéran et parmi les fréquentation d’Ostad Bahreyni, elle fait la connaissance de musiciens célèbres comme Ostad Nezam-el-Din Lachini. Sous l’impulsion d’Ostad Lachini, Qamar enregistra pour la première fois, à 16 ans, plusieurs tasnîf-s d’Aref Ghazvini pour la compagnie "Polyphon".

Selon d’autres biographes, Qamar bénéficia également de l’enseignement de Reza Gholi Norouzi (mort en 1932 A.D.), l’oncle de Moshir Homayoun Shahrdar, connu également sous le nom de Nazmieh. Ce dernier était un des chanteurs de la court des Ghajars et comme il officiait dans l’armée, il avait eu la réputation de Nazmieh.

En 1922 AD., lors de la célébration d’une fête de mariage où Qamar était invitée, on lui demande de chante en privé quelques morceaux. Elle chanta un tasnîf, dont le texte écrit par Pejman Bakhtiari commençait par : "Viens ô oiseau de la nuit ! Viens qu’on se lamente !" Morteza Khan Neydavud [4] qui était également présent comme invité, remarqua la voix de Qamar. Il demanda qu’on lui donne le târ pour accompagner personnellement la voix de Qamar. Ce fut le point de départ d’une longue et fructueuse collaboration, puisque ce soir même, Morteza Khan propose à Qamar de venir et assister à ses cours pour travailler sa voix et apprendre les dastgah-s. Après quelques temps, Qamar se présenta aux cours de Neydavoud qui lui enseigna le radif pendant deux ans.

1.3 Mort de Qamar

L’histoire de Qamar a une fin triste. Elle quitta le monde dans la pauvreté. Suite à un accident cérébral elle avait perdu la qualité et le timbre de sa voix. Quelques uns de ses amis lui avaient acheté une maison. Pour gagner sa vie elle était obligée de chanter dans le cabaret "Shokoufeh No" (jeune bourgeon) de Téhéran avec un salaire de 30 Toumans par soirée. Le programmateur du cabaret avait placé le numéro de Qamar à 23h30, c’est à dire une heure où la majorité des clients était ivre et n’était donc pas disposée à entendre une musique du niveau de performance de Qamar . Ainsi, suite aux plaintes des clients, le directeur du cabaret licencia Qamar . Alors, Qamar après d’importantes démarches administratives réussit à obtenir une petite pension de retraite, versée par la maison de la radio.

Finalement, alors qu’elle se trouvait chez sa cousine, Qamar s’en alla de ce monde le 16 mordad 1338 H.S (août 1959). Lors de son enterrement, mise à part quelques personnes proches de sa famille, seuls une petite poignées de musiciens (Neydavoud, Hossein Tehrani, Badi’zadeh, Zabihi, etc) assistèrent à la cérémonie. Son corps fut enterré dans le cimetière de Zahir-ol-Doleh avec en total 30 personnes et deux ou trois bouquets de fleurs.

Après six semaines, le 31 shahrivar 1338 (octobre 1959), l’organisation de la radio organisa une manifestation en hommage à Qamar . Lors de cette réunion, le directeur de la radio Moïnian, Ruhollah Khaleghi et Moïni Kermanshahi prononcèrent chacun un discours. Rouh Angiz chanta quelques morceaux avec le târ d’Ostad Neydavoud.


A suivre

Notes

[1] une réunion de rozeh-khani est une assemblée non mixte où un (ou une mollah) récite l’épopée tragique des saints de l’Islam Chiïte

[2] un quartier de Téhéran situé dans l’aile sud du Jardin de la Ville (Park-e Shahr)

[3] Ville sainte du chiïsme située en Irak

[4] Fameux compositeur et maître de târ qui fut l’un des meilleurs élèves de Darviche Khan. Voir http://en.wikipedia.org/wiki/Mortez...


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